Au beau soleil du monde

Que tout ce que je sais, en vertu d’une grâce,
ou par volonté, cesse d’être savoir.
Qu’en ferait-il, l’enfant qui se voit vieilli,
voler dans les cieux du Sahara ou de l’Arabie?
Je veux savoir. L’histoire est prophétie,
je parle comme un fou.
Tu n’iras pas te reposer —
te protéger de la maudite clarté du jour —
oiselet frioulan, en ces bosquets que je connais,
parmi les arbres purs — le mûrier, la vigne, le peuplier,
le sureau, avec sa fragilité printanière…
Et pas davantage dans les forêts autour de la ville de Lagos,
dans les savanes roses du Soudan,
ni sur les crêtes violettes des volcans d’Aden —
tu t’en iras en un vers, anéanti
par la prophétie. Et moi, en mon dernier recoin,
au beau soleil de la Méditerranée ou de l’océan Indien,
inadapté à l’Histoire, inadapté à moi,
je m’adapterai à la terre future,
lorsque la Société redeviendra Nature.

Pier Paolo Pasolini, Poésie en forme de rose, in Une vitalité désespérée, anthologie personnelle traduite par José Guidi, Gallimard, Poésie, 1973.

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