
Si le soleil revient, si tombe le soir,
si la nuit a un goût de nuits à venir,
si un après-midi de pluie semble revenir
d’époques trop aimées et jamais entièrement eues,
je ne suis plus heureux, ni d’en jouir ni d’en souffrir ;
je ne sens plus, devant moi, toute la vie…
Pour être poète, il faut avoir beaucoup de temps :
des heures et des heures de solitude sont le seul moyen
pour que quelque chose se forme, qui est force, abandon,
vice, liberté, pour donner du style au chaos.
Moi maintenant j’en ai peu : à cause de la mort
qui s’avance, au crépuscule de la jeunesse.
Mais aussi à cause de ce monde inhumain qui est le nôtre,
qui enlève le pain aux pauvres et la paix aux poètes.
Pier Paolo Pasolini, La religion de notre temps, traduction de René de Ceccatty, Payot, 2015.
Photographie prise devant la Casa natale d’Antonio Gramsci, à Ales, Province d’Orsitiano, en Sardaigne.