
Au dernier soir sur cette terre nous détachons nos jours
De nos arbrisseaux, et comptons les côtes que nous emporterons
Et celle que nous laisserons. Là. Au dernier soir
Nous ne disons adieu à rien, et ne trouvons pas le temps pour notre fin
Tout demeure en l’état. Le lieu renouvelle nos rêves
Et ses visiteurs. Soudain nous ne sommes plus capables d’ironie
Car le lieu est apprêté pour accueillir le néant. Ici, au dernier soir
Nous saturons nos yeux des montagnes qui ceignent les nuages. Conquête et reconquête
Et un temps ancien qui remet à ce temps nouveau les clefs de nos portes
Entrez dans nos maisons, ô conquérants, et buvez notre vin
Sur le mode simple de notre mouwachah. Car nous sommes la nuit à sa mienuit. Et nulle
Aube portée par un cavalier venu du dernier appel à la prière
Notre thé est vert et chaud, buvez le, nos pistaches sont fraîches, mangez-les
Et les lits sont verts en bois de cèdre, cédez au sommeil
Après ce long siège, et dormez sur le duvet de nos rêves
Les draps sont mis, les parfums déposés aux portes, et les miroirs nombreux
Entrez-y pour que nous en sortions jusqu’au dernier. Et sous peu nous chercherons ce que
Fut notre Histoire autour de la vôtre dans les contrées lointaines
Et à la fin nous nous demanderons : l’Andalousie fut-elle
Là ou là-bas ? Sur la terre… ou dans le poème ?
Mahmoud Darwich, La terre nous est étroite, traduction d’Elias Sanbar, Gallimard, Poésie, 2000.
Magnifique, la photo !
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