
Étant à mi-chemin de notre vie,
je me trouvai dans une forêt obscure,
la route droite ayant été gauchie.
Ah ! combien en parler est chose dure,
de cette forêt rude et âpre et drue
qui à nouveau un effroi me procure !
Si aigre que la mort l’est à peine plus…
Mais pour traiter du bien que j’y trouvai,
je parlerai des choses que j’ai vues.
Ne sais pas bien dire comme y entrai
étant alors si plein de somnolence
que de la route vraie je m’écartai.
Mais arrivé au pied d’une éminence
où cette vallée avait abouti,
qui avait effrayé mon cœur d’abondance,
levant les yeux ses épaules je vis,
déjà vêtues des rais de la planète
qui conduit droit par tous chemins autrui.
La peur alors me devint plus quiète,
qui dans le lac du cœur m’était restée,
la nuit que j’avais passée si inquiète.
Et comme lorsque, le souffle coupé,
au sortir de la mer et vers l’estran,
on se tourne et on scrute l’eau du danger,
ainsi mon âme, encore en s’enfuyant,
se retourna pour contempler le pas
qui ne laissa jamais de survivant.
Dante Alighieri, La Divina Commedia, traduction de Danièle Robert, Acte Sud, 2021.