
Afin que je puisse un jour, au bout de l’amère vision, chanter l’allégresse et la gloire sous l’approbation des anges, que nul marteau de mon cœur, si clairement forgé, ne fasse défaut sur des cordes détendues, hésitantes ou cassantes. Que mes larmes augmentent l’éclat de mon regard, que les simples pleurs fleurissent. Ô nuits d’affliction que vous me serez alors très chères. Ô mes sœurs inconsolées, que ne vous ai-je reçues à genoux, plus humblement, que ne me suis-je perdu avec plus d’abandon dans vos cheveux déliés ? Nous gaspillons les douleurs ; d’avance nous en projetons la fin dans la triste durée et nous nous demandons si elles ne vont point s’en aller. Mais elles sont notre feuillage d’hiver, notre sombre pervenche, une des saisons de l’année secrète, non seulement saison, mais place, hameau, camp, sol, demeure.
Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino, traduction de Rainer Biemel, Allia, 2015.
Magnifique, merci ! Quand on écoute Rilke, on retrouve la complexité aérienne des trajectoires de l’être et toute autre voix a l’air simple et brutale. Encore de passage à Trieste ? Moi j’y suis !
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Oui ! C’est beau. J’ai véritablement découvert Rilke à Trieste, il y a peu. Quelle chance de vivre en lisière de Mitteleuropa ! Et de ses crépuscules. Hâte de revoir la région. Bientôt.
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